La violence conjugale au masculin
Les violences conjugales se caractérisent essentiellement par un rapport d’emprise et d’agression entre un membre du couple et son conjoint ou son ex, qui subit des violences répétées, de différentes natures – physiques, psychologiques, sexuelles, matérielles, administratives. En France, parmi les victimes, figurent des hommes dans une proportion qui n’a rien de marginale.

La prévalence internationale des violences conjugales a été évaluée dans un rapport mondial sur les violences, publié en 2002 par l’Organisation Mondiale de la Santé. Cependant, bien que le rapport précise que ces violences existent dans tous les pays et dans tous les groupes sociaux, seules les violences conjugales faites aux femmes par des hommes ont été étudiées. L’Organisation Mondiale de la Santé le justifie ainsi : « Il arrive que les femmes soient violentes dans leurs relations avec les hommes, et les relations homosexuelles ne sont pas exemptes de violence, mais dans l’immense majorité des cas, ce sont des femmes qui sont victimes de violence de la part de leur partenaire masculin »
Pourtant, selon l’enquête cadre de vie et sécurité (CVS) de l’Insee de 2019, plus du quart – 28 % – des victimes de violences conjugales physiques et/ou sexuelles auto-déclarées sont des hommes. Soit 82 000 victimes par an, en moyenne sur la période 2011-2018. En 2018, 12 % des victimes enregistrées par les services de police ou de gendarmerie étaient des hommes (selon les chiffres du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMI), cités dans la lettre de l’observatoire national des violences faites aux femmes de 2019. Sachant que la propension des hommes à dénoncer les faits de violence subis est réputée plus faible, avec un taux de plainte moindre puisque les hommes victimes peuvent se sentir en difficulté pour dénoncer les faits. Ils sont souvent pris pour les agresseurs en première intention. Ils décrivent par ailleurs une société ignorant les violences conjugales faites aux hommes et considérant les hommes victimes comme faibles. En effet, les hommes victimes souffrent également des préjugés de la société à leur égard. Aujourd’hui, la notion de virilité est entendue par l’inconscient collectif comme un symbole de domination. L’homme serait dominant de par son statut. Le sujet des violences faites aux hommes est entouré d’un certain tabou parce que cela remet aussi en question l’archétype de la puissance masculine et celle de la douceur féminine présentes dans la société. Dans l’inconscient collectif, il est très compliqué d’admettre qu’un homme puisse être victime de violences de la part d’une femme. De ce fait, les hommes victimes sont souvent réticents à demander de l’aide. Ils ont honte de leur situation, ont peur de ne pas êtres crus, et ne savent généralement pas où aller. Alors que les violences faites aux femmes font – à raison – l’objet de plans de campagnes très médiatisées, il existe peu de structures d’aide aux hommes battus. La première association fondée en 2009, SOS Hommes Battus, affirme recevoir environ 2 500 appels et mails chaque année.
Depuis plusieurs dizaines d’années, le ministère de l’intérieur, la direction générale de la gendarmerie nationale, la direction générale de la police nationale et la délégation d’aide aux victimes ont effectué des études nationales sur les morts violentes au sein du couple. De 2005 à 2016, 1 977 personnes sont mortes sous les coups de leur conjoint·e. Sur ces 1 977 personnes, 1 642 étaient des femmes et 335 étaient des hommes. Cela revient à 83% de femmes pour 17% d’hommes. Sur ces 13 années, il peut être remarqué que le nombre de femme est largement supérieur (trois à quatre fois supérieur). En moyenne, une femme est tuée tous les 3 jours et un homme tous les 14jours.
L’étude nationale sur les morts violentes au sein du couple, produite chaque année par le ministère de l’intérieur, rapporte qu’en 2018, 28 hommes ont été tués par leur conjointe ou ex-conjointe.
La pénalisation des auteur·e·s de violences conjugales et l’aide aux victimes de violences conjugales a beaucoup évolué depuis le début des années 2000. On retrouve plusieurs lois comme les lois de 2006, 2009, 2010 ou encore 2014 concernant les violences conjugales. Les violences conjugales sont une politique de santé publique. Elles impliquent n’importe quelle population (peu importe le critère de : genres, ressources, cultures, etc.) et ont une conséquence au niveau sociétal (coût de l’accès au soin des victimes, conséquences psychologiques, accompagnement des auteur·e·s). La société reconnaît les violences conjugales comme un véritable enjeu de santé publique. On remarque à travers toutes ces lois la volonté de l’Etat de pénaliser ces violences. Les enjeux physiques et psychologiques qu’elles engendrent sont encore méconnus. On retrouve cette volonté de faire reconnaître les violences conjugales comme un phénomène allant à l’encontre de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Il est important de souligner que les violences conjugales ne sont pas des violences de genres. Elles impliquent des processus beaucoup plus complexe que l’acharnement d’un groupe social sur un autre. Les violences conjugales peuvent survenir dans n’importe quel couple, peu importe sa construction.
Sabrina Brun (01 février 2022)